Un point de droit intéressant
Les juristes aiment bien tout mettre dans des cases, avec des étiquettes dessus :
Voici donc les deux classifications essentielles du droit :
-les personnes
-les biens
Les biens sont classés en 2 catégories principales :
-les meubles
-les immeubles
Les animaux font partie de la catégorie des meubles (article 528 du code civil). Ils peuvent aussi être immeubles (article 524 du code civil) si ils ont été placés par le propriétaire d’un fonds pour le service et l’exploitation de ce fonds.
Donc, votre chien est un meuble, les vaches dans le pré sont des immeubles !!!
On pourrait en déduire que pour le droit français, les animaux sont de simples choses.
Mais ce n’est pas aussi évident.
En effet, on trouve dans le Code pénal un article fort intéressant qui pourrait être utilisé par les défenseurs de la cause animale.
Code pénal, Livre V, articles 521-1 et 521-2 : Des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux.
Article 521-1
Modifié par Ordonnance n°2006-1224 du 5 octobre 2006 - art. 6 () JORF 6 octobre 2006
Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende.
En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal statue sur le sort de l'animal, qu'il ait été ou non placé au cours de la procédure judiciaire. Le tribunal peut prononcer la confiscation de l'animal et prévoir qu'il sera remis à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.
Les personnes physiques coupables des infractions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires d'interdiction, à titre définitif ou non, de détenir un animal et d'exercer, pour une durée de cinq ans au plus, une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l'infraction. Cette interdiction n'est toutefois pas applicable à l'exercice d'un mandat électif ou de responsabilités syndicales.
Les personnes morales, déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal, encourent les peines suivantes :
- l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 du code pénal ;
- les peines prévues aux 2°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article 131-39 du code pénal.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée. Elles ne sont pas non plus applicables aux combats de coqs dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie.
Est punie des peines prévues au présent article toute création d'un nouveau gallodrome.
Est également puni des mêmes peines l'abandon d'un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l'exception des animaux destinés au repeuplement.
Et malheureusement pour les animaux de laboratoire :
Article 521-2
Créé par Loi n°94-653 du 29 juillet 1994 - art. 9 () JORF 30 juillet 1994
Le fait de pratiquer des expériences ou recherches scientifiques ou expérimentales sur les animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d'Etat est puni des peines prévues à l'article 511-1.
Vous pouvez trouver ces articles gratuitement sur légifrance.
Le premier alinéa de l’article L521-1 est vraiment intéressant :
« Le fait, publiquement ou non, d'exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30000 euros d'amende. »
1-Quels sont les animaux concernés ?
Les animaux domestiques, ou apprivoisés, ou captifs. Ceci concerne énormément d’animaux !
Notons déjà que cela exclut :
-les animaux cités par l’alinéa 5
-la chasse : les animaux ne sont pas captifs, quoi que l’on peut se poser la question pour les lâchers d’animaux apprivoisés destinés à la chasse (version galinette cendrée des inconnus). A mon avis, une action est jouable sur ce point.
Mais, chose très intéressante, cela semble inclure les animaux d’élevage…puisqu’ils sont tenus en captivité !
2- Quels sont les actes concernés ?
Tout le problème est là. Le texte parle de sévices graves et d’actes de cruauté (laissons de côté les sévices sexuels, là c’est plus évident).
Qui va définir ce qu’est un acte de cruauté ? La loi ne le définit pas. Sachez toutefois qu’à titre de comparaison, pour les humains, la peine de mort n’est pas considérée comme de la torture par les conventions internationales, il y a donc peu de chance que la « simple » mort d’un animal soit considérée comme un acte de cruauté. En revanche, les conditions de la mise à mort pourraient l’être.
C’est donc le juge qui va apprécier ce qu’est un acte de cruauté. Mais comment le juge se détermine t’il ? C’est là tout le problème de la subjectivité dans l’application de la loi. Le juge se déterminera par rapport à sa propre sensibilité, morale (bien qu’il ne l’admettra jamais !) et par rapport à la morale de la société.
Or, ces références ne sont ni fixes ni obligatoires, lors d’une action en justice, il est donc tout à fait possible pour une association de défense des animaux de tenter d’influencer le juge (c’est d’ailleurs le but du jeu dans le procès !).
Il faut donc préparer une argumentation solide, illustrée par des faits, et juridiquement justifiée.
pour des exemples jurisprudentiels : deux mois de prison ferme pour un homme ayant tué un chat en le plongeant dans une baignoire d’acide récemment, dans l’héraut, prison également pour deux personne ayant brûlé vivant un hérisson et ayant filmé la scène.
La question est : est-ce que ces textes peuvent être utilisés pour défendre les animaux d’élevage ? Nous connaissons tous les conditions infernales dans lesquelles ils sont élevés, menés à l’abattoir, et tués. Il faut arriver à obtenir des preuves de ces maltraitances.
Une fois que la preuve est obtenue, encore faut-il que le juge comprenne qu’il s’agit d’un acte de cruauté au sens de l’article précité. C’est là tout le problème. Généralement, les animaux qui bénéficient de ces articles sont des animaux « mignons », chiens, chats, hérissons, hamsters, chevaux…
Il est rare que ces articles soient appliqués pour des poules, brebis, vaches, cependant, je ne sais pas si c’est parce que les défenseurs de la cause animale n’utilisent pas ces articles ou si ce sont les juges qui bloquent.
A mon avis, il y a une voie à exploiter pour les défenseurs des animaux, il suffit de bien mettre en relation les preuves de la maltraitance sur un animal captif et les dispositions de l’article L 521-1 du Code pénal.
Cela permettrait au moins, dans un premier temps, que les animaux d’élevage soient traités plus décemment. Après, on ne sait jamais avec l’évolution des mœurs (à laquelle participe la jurisprudence…), on considèrera peut être un jour que tuer un animal pour le manger alors que ceci n’est pas nécessaire, est un acte de cruauté au sens du Code pénal. Autant vous dire que ce n’est pas pour tout de suite, mais je ne désespère pas de voir ça avant de mourir ! (et comme je suis végétarienne, je vais mourir jeune avec plein de carences blablabla ;) )
Pour tout cela, il faut un bon avocat.
Mise à part l’analyse juridique, je trouve que la comparaison entre les textes du Code civil et ceux du Code pénal illustrent bien la schizophrénie dont l’humain fait preuve à l’égard de l’animal : si l’animal est un simple « bien », pourquoi punir la cruauté à son encontre ? On ne peut pas être cruel envers une chaise, un stylo, un vêtement…
Je vous propose de donner votre définition de la cruauté, cela peut être utile pour une éventuelle action en justice.